• La dame à l'éventail

    La dame à l'éventail

    Après une longue absence, je reviens avec une petite nouvelle inspirée du tableau "La dame à l'éventail' de Klimt.

    Après une longue absence, je reviens avec une petite nouvelle inspirée du tableau "La dame à l'éventail' de Klimt que voici 

     

    La dame à l'éventail

     

    Sans plus attendre, le texte !

     

    La dame à l’éventail

     

     

    Il avait tenté de croiser son regard pendant des semaines. Elle était exposée là, dans cette vitrine. Calme, posée. Elle ne bougeait pas. Il la fixait pendant une minute entière, à chaque fois qu’il venait et partait de la faculté. Il savait qu’elle était là, qu’elle l’observait, qu’elle le scrutait, qu’elle était vivante.

     

    Son calvaire avait commencé 1 mois plus tôt.

     

    Il rentrait de son cours d’histoire de l’art, un vendredi matin, lorsqu’il l’avait vue pour la première fois. A l’instant même où il ses pupilles avaient rencontré les siennes, une aura oppressante l’engloutit. Une ombre étouffante s’était sinueusement déposée sur ses épaules, froide et hilare.

     

    Durant un instant il avait croisé un regard haineux et humide.

     

    Puis plus rien. La peinture était redevenue telle qu’elle.

     

    Cette femme peinte l’avait dévisagé, aucun doute possible. Il ne pouvait pas avoir rêvé. Il était totalement sain d’esprit et ne prenait aucune substance illégale. Obsédé par cette peinture, il s’arrêtait à chaque fois et attendait un signe, n’importe lequel. Elle ne lui avait plus jamais porté la moindre attention depuis ce jour, se contentant de laisser dériver ses prunelles au loin, désincarnée, lisse de toute émotion.

     

    Mais lui n’était pas un homme qu’on ignorait et qui pouvait ignorer. Son billet de 50€ dans la main, il était entré chez l’antiquaire et en était repartit les poches vides et les bras pleins.

     

    Son studio était plutôt limité mais les murs blancs et l’absence de décoration personnelle laissait un panel de choix assez large quant à l’emplacement de son bien nouvellement acquit. Il planta stratégiquement son clou en face de son lit, où il déballa l’œuvre de son papier kraft. Il l’accrocha avec dévotion et précaution, afin qu’elle soit bien droite. Il attendit, fébrile, un signe, un mouvement. Mais rien ne vint.

     

    La femme resta obstinément muette.

     

    Il recula jusqu’à basculer sur son lit et s’attarda sur les détails de l’œuvre. C’est son cou gracile qui l’avait captivé. Une gorge bien trop longiligne pour être admise. Sa poitrine uniquement dissimulée par un éventail et son kimono tombant indécemment sur son épaule ronde le fascinait. Ce petit détail rosé, là, entre l’éventail et la soie, l’avait bouleversé. Ce petit mamelon qu’il ne saurait voir le narguait, l’échauffait. Il se rêvait, passant sa main dans ces lourdes boucles brunes, cette toison ébène aux joues rosées.

     

    Il s’endormit.

     

    C’est le soleil qui vint le raviver. Il observa à nouveau son œuvre, un scintillement singulier brillait face au reflet du jour. L’ombre s’accrocha à ses épaules à nouveau. Il avança, fiévreux, franchit les quelques mètres qui séparaient son lit de la femme et tendit un doigt et ramassa de sa pulpe quelque goûtes transparentes. Précautionneusement il décrocha le tableau. Rien n’avait bougé. Ni les myriades d’oiseau et de fleurs et virevoltaient autour d’elle dans un savant manège, ni la femme. Sur le mur, aucune fuite, l’arrière de la toile était sec. Il porta son index à ses lèvres.

     

    L’ombre l’engloutit totalement lorsque ses papilles révélèrent le goût propre à celui des larmes.

     

    Cette fois-ci, aucune méprise possible. Elle était là.

     

    Exalté, il se saisit à deux mains du portrait et colla son visage contre son giron. Il n’était pas fou ! Elle était là et il n’était pas seul ! Il pouvait presque sentir son odeur, une odeur douce, comme … du pavot. Cette fragrance l’entêtait, le prenait aux tripes. Il voulait l’avaler, l’avoir toute entière, cette femme, ce bouquet … Ne faire qu’un, la toucher, l’embrasser, dévoiler un peu plus cette épaule … Il leva les yeux aux ciels, prêt à prier les cieux pour le laisser s’en aller, aller dans le creux de ses hanches, s’abandonner à ses baisers … Deux orbes noires, venimeuses et écœurées emprisonnèrent son cri. La femme jeune et radieuse avait laissé place à une peau grise au sein flétrit. Les oiseaux et les fleurs tournoyaient autour de lui, le piquant, griffant, arrachant ses prunelles, lacérant ses chairs, couvrant ses gémissements alors des ongles crochus se saisirent de son cou et de ses cheveux, l’emportant dans son cœur.

     

     

    Le silence devint roi dans le misérable studio. Le décor demeurait inchangé, si ce n’était cette nouvelle fleur sur le tableau, en bas à gauche.  

     


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